LEVRISAC Depuis 1092 ?

(Source : Pierre Millet – Almanach 1909 ?)

Deux érudits, amateurs éclairés de nos vieilles coutumes et traditions, ont eu l’obligeance de nous communiquer des documents dont l’authenticité n’est nullement contestable et qu’il serait fâcheux de laisser dans l’ombre parce qu’ils intéressent au plus haut point certains de nos villages : L’Evrisac, La Motte-Isac, Longle, Evedeth.

Blason familial de Cambout de Coislin  Tout le monde sait que les marquis de Coislin, grands louvetiers du roi, possédaient les landes de l’immense territoire qui s’étend de Fresnay (Plessé) à la Roche-Bernard. Dans ce vaste domaine étaient renfermées les chapelles de Notre Dame de Grâce, de Sainte Anne-de-Campbon, de La Madeleine (calvaire de Pontchâteau), deux châteaux, Coislin et Carheil. Le château de Coislin en Campbon dont le titre seigneurial était beaucoup moins important que celui de la vicomté de Carheil qui en dépendait; celui-ci, soit à cause de sa situation admirable, soit à cause de son importance, était la demeure privilégiée des derniers des Coislin. A l’époque de la construction du château actuel, en 1681, il avait absorbé, par achat ou échange, les petites propriétés ou seigneuries, comme on disait alors, des environs, qui devinrent des fermes de Carheil ou en furent détachées à la débâcle des d’Orléans, en 1854.

Lévrisac ou L’Evrisac

Nos braves habitants de l’Evrisac ne se doutent guère qu’ils remontent à une haute antiquité, ce village peut-être le berceau de la paroisse. C’est en 1092 qu’on trouve mentionné dans le dictionnaire des terres et seigneuries du comté nantais (par F. de Cornulier), la terre de l’Evrizac (Guenrociés). Cette date est remarquable -1095- Concile de Clermont, départ de la première croisade. Nous n’oserions avancer que Pierre l’Ermite, monté sur sa mule, vint jamais visiter notre humble hameau, non; mais serait-il téméraire que quelques-uns de ces paysans, entraînés par l’enthousiasme religieux, n’eussent suivi leur seigneur en Terre Sainte pour y combattre l’infidèle. C’est un point d’histoire qui ne s’éclaircira qu’au ciel, mais du moins pouvons nous risquer cette version très admissible et honorable pour le pays.

La terre de l’Evrisac appartient en 1430 à Payers de l’Evrisac; 1468, à Jean de Dreseux; donnée en 1619, par Jamet de Dreseux à Guillaume de Carheil, et en 1658 à Marie de Carheil femme de Jérôme de Cambout, membre de la vicomté de Carheil.

Quelle pourrait être aujourd’hui cette seigneurie de l’Evrisac ?

D’après la topographie du lieu, elle comprendrait les fermes de la Cour, du Pré-aux- Sourds, du Guigner et les bois appartenant à MM. Bouillet et Bureau.

 Concile de Clermont - Pape Urbain II lançant la première croisade

La Motte – Isac

Au côté de l’Evrisac, séparé de lui par l’Isac, sur le tertre qui a conservé le nom de la Motte, près du canal actuel, existait un autre manoir, dont il ne reste plus trace. Ce fief les bois du Plessis, des prairies, des parcelles de terre à Quinhu échangées avec les landes de la Quiauderie et devenues la propriété de Jean Hourdel. En 1465, il était devenu la propriété de Marie de la Muce, femme de Jean Eder(1553); Bertrand Eder(1634); Amaury Eder, seigneur de Beaumanoir(1657), vendu par Marc du Perrier et Jeanne de Perrien, sa femme, au marquis du Cambout de Carheil, réuni à l’Ongle.

L’Ongle

La terre de l’Ongle, au bord du canal, contient la ferme de Civel, les bois et une partie des landes environnantes. Possédées en 1380 par demoiselle de Téhillac, femme d’Hector de la Jaille; 1431, Hector de la Jaille la vend à Pierre Eder; 1456; Pierre Eder, maître d’hôtel et chambellan du duc; 1485, Amaury Eder, seigneur de Beaumanoir; 1657, vendue enfin par Marc du Perrier et Jeanne du Perrien, sa femme à René du Cambout marquis de Coislin, membre de la vicomté de Carheil avec la Motte-Isac.

Ainsi donc, depuis 1657, Carheil était nanti de toutes les terres seigneuriales de Grâce.

Prieuré de Saint Thomas d’Evedet

Un prieuré dans le sens où il faut l’entendre ici, était, non un monastère, mais une terre ou bénéfice dépendant d’un monastère. Le prieuré d’Evedet ne fut jamais un fief sorti de Carheil, mais bien de Fresnay, seigneurie des sires de Rohan, Blain, Pontivy et Fresnay (ce prieuré avait-il été donné à l’abbaye des Bénédictines de Saint Sulpice de Rennes ?). Deux actes tirés des archives départementales d’Ille-et-Vilaine, l’un en 1589, l’autre en 1649, en font foi. Le premier est l’aveu et dénombrement des droits, dîmes, revenus et charges du prieuré de Saint Thomas d’Evedet en 1589. Le second, le constat, fait 50 ans plus tard à la requête du roi, que les choses étaient bien en l’état et les fondations exécutées; à défaut de quoi la propriété en retournerait au domaine du roi.

  • Avantages de la fondation : droits et dîmes

Par devant notaires, la Révérende Dame Gabrielle, abbesse de l’abbaye de Saint Sulpice, près Rennes, confesse et reconnaît tenir en amorti, le prieuré d’Evedet comprenant: chapelle, maison, jardin, logement de fermier, métairie, landes, bois, dîmes, rentes, franc et libre de toutes impositions roturière; joignant d’un côté les terres du sire de Beaumanoir, en haut celles de Carheil, de l’autre côté la rivière l’Isac. En outre deux parts de la dîme du village de Landréas ou Landrais, du fief de Fromageais, prises sur les terres d’Hervé Lesage. Idem, dôme d’une terre possédéé par Lucien Jagot à la Touche; idem, frairie de l’Evrisac, la Cloux Morée dans la gaignerie de Fourbillon joignant le ruisseau de Freslay, aux héritiers Hervé Maurice et Pierre Aoustin; dans la bosse de La Touche, une pièce possédée par Jean Audoin, près de la seigneurie de la Motte-Isac au seigneur de Beaumanoir.

  • Charges et obligations

L’abbesse reconnaît et confesse jouir, à devoir en retour: suffrages, prières, oraisons, une messe basse chaque vendredi dans la chapelle pour la famille des Rohan, l’entretien de la chapelle et des logements qui sont, porte l’acte : « forts vieux et caducs ». Elle se plaint que, vu l’éloignement et les temps brouillés, le seigneur de Carheil s’est emparé d’un pré, de bois et de gallois appartenant à Evedet.

Le sieur Priou, procureur (gérant) de la mère abbesse Françoise du Tremblay en 1649, fait les mêmes déclarations que ci-dessus, et affirme que le prieuré est de très ancienne fondation, mais n’est saisi d’aucuns titres en faisant mention.

D’après la tradition nous avons des raisons de croire qu’il fut donné au monastère par un chevalier partant pour la croisade, afin d’attirer sur lui la protection du ciel. Peut-être un membre de la puissante famille des Rohan. Cette famille devenue protestante et fortement attachée à l’hérésie, pouvait exercer une influence néfaste sur la contrée et ce fut à la suite des guerres de religion, 1589 avènement de Henri IV, que furent dressés les documents que nous analysons pour bien établir la situation des religieuses envers Mademoiselle de Rohan, héritière de la famille. Il faisait alors bon vivre sous la crosse et la mitre, car les fermiers demeurèrent fidèles à leur abbesse et à leur foi. En tous cas, ces actes nous renseignent utilement sur des points désormais incontestables: l’ancienneté de nos villages des rives de l’Isac, l’origine seigneuriale de nos plus belles terres et les rapports entre le fermier et le propriétaire. Il nos est donc permis d’étudier dans ce petit coin ce notre paroisse, résumés et vécus, huit siècles de notre histoire féodale au moyen-âge.


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