Les Origines du Culte Public

(Source : Pierre Millet – Source: Almanach 1910)

Parler à un évêque est un grand honneur, mais un problème difficile.  Chemin faisant l’on discute de la manière de l’aborder et de lui présenter la requête. Il fut décidé que chacun  attendit à une porte de l’église la sortie du cortège; l’église avait trois portes  et celui qui le premier verrait Monseigneur lui demanderait audience, en faisant la demande. Est-ce émotion ? Est-ce respect pour la dignité épiscopale ? Est-ce difficulté de franchir la haie d’enfants qui tendaient leurs fronts vers les mains bénissantes de l’évêque ? Le privilégié qui se tenait à la grande porte n’osa parler, les paroles expirèrent sur ses lèvres : il avait oublié la leçon pourtant bien étudiée en cours de route. Enfin le bon évêque, Monseigneur de Hercé, eut connaissance de la chose, il fit venir et accueillit avec bienveillance les délégués, accéda à leur désir les engagea à se mettre à l’œuvre pour faire le nécessaire et un an après la paroisse était constituée.

Notre Dame de Grâce  fut érigée en paroisse par une ordonnance de Louis-Philippe  du 22 juillet 1844, notifiée par Monseigneur de Hercé, évêque de Nantes, le 6janvier 1845. La séparation d’avec la paroisse mère fut consommée le 12 janvier 1845, jour de l’épiphanie.

Donc la chapelle existait, assez vaste pour une chapelle, centre très fréquenté de dévotion, avec ses statues de N. D. de Grâce, Ste Anne et de Ste Apolline.

Elle était située un peu en avant de l’église actuelle et presque perpendiculairement à celle -ci, tournée vers l’ouest, c’est-à-dire le chœur vis-à-vis  de la maison Saillant et séparée de la demeure du chapelain par un petit chemin qui est aujourd’hui la route de St Gildas.

Il fallu une cure; les principaux des terres voisines étaient, outre Ernest de Coislin qui vendra plus tard à Mr Le Cour, Julien  Seignard, Alex. Biget, Jean Mével et Julien Rousseau, du Bas-Juzan. Ces familles avec Alexandre Lévêque de la Douettée, cédaient gratuitement à la commune dans l’Enclose et le Clos Pilard, où l’on commençait à édifier la cure, des parcelles de terre destinée les unes au cimetière et les autre aux dépendances du presbytère, à la condition expresse que ces terres auraient la destination qui leur était donnée par devant acte devant Me. CADO notaire. Ce mode de donner paraissait le plus naturel alors qu’il n’y avait pas de fabrique constituée et que les représentants de la commune étaient, comme ils le sont aujourd’hui, animés des meilleurs sentiments.

On sait comment l’état, gardien suprême de la justice  de la religion et des contrats, respecte la volonté des donateurs en forçant à louer à beaux deniers aux successeurs, ce que la commune a reçu gratuitement et a titre de logement gratuit pour le curé !

Heureux s’il ne lui plaît pas un jour de chasser ce curé qu’il s’est engagé à loger ! Nous espérons que les héritiers de ces familles chrétiennes ne manqueraient pas de réclamer énergiquement le maintien du contrat et le respect des intentions de leurs aïeux.

Bien précaire était la situation du nouveau curé ! Pour église une chapelle, insuffisante, délabrée, puisque l’eau filtrait sur l’autel à travers les lambris pendant le saint sacrifice de la Messe. Pas de sacristie, le prêtre s’habillait derrière l’autel, pas de cloche (l’ancienne, envoyée à Savenay pour être fondue pendant la révolution est maintenant à Guenrouët), une cure inachevée et sans distribution intérieure !

M. Cheminant, premier Curé, fut donc installé le 12 janvier 1845.

Il commença par constituer un Conseil de Fabrique (Conseil Paroissial?). Le 16 janvier étaient nommés conseillers par ordonnance de Mgr l’Evêque: Julien Seignard, du bourg; Julien Chatelier de la Ganelaie et Jacques Etourmy, de la Touche; et par décision du Préfet: Jean Hourdel de Quitin (? Quinhu) et Jean Ramet du Busson. Jacques Eourmy pour suivre ou plutôt mener l’opposition de son village déjà attaché à Saint-Omer et qui refusait de faire partie de la nouvelle circonscription de Grâce déclina l’honneur et fut remplacé quelques semaines après par Jean Levesque, de la Douettée. Ces braves gens encouragés par la générosité de tous les paroissiens heureux de pouvoir exercer leurs devoirs religieux, prêtèrent le plus dévoué concours au curé, pour l’administration du temporel de la nouvelle paroisse.

Tout était à créer. On commença par placer des bancs et des chaises dans l’église; on établit des recettes régulières, on vote les fonds disponibles pour l’achèvement des travaux de la cure, suspendus faute de pouvoir payer les ouvriers.

C’est ainsi que les années suivantes on construisit successivement la boulangerie, le puits, le lavoir, les murs du cimetière. Dès 1847, on s’occupe sérieusement du projet de réparation et d’agrandissement de la chapelle, mais jugeant que les frais équivaudraient à la moitié de la reconstruction totale, vu la nécessité de créer des routes qui traverseraient le nouveau bourg et lui donneraient un alignement désirable, vu les difficultés qui pourraient s’élever sur le droit des terrains entourant la chapelle, toute discussion du projet fut renvoyée.

Plusieurs fois cependant cette question sera remise sur le tas dans les dix ans qu’il faudra attendre pour commencer les travaux d’une nouvelle église et nous verrons au prix de quelles difficultés.

On vote d’abord soixante francs pour les réparations les plus urgentes. Les années suivantes pour pourvoir quelque peu à la dignité du culte et parer à l’insuffisance de l’église, on jugea à propos de construire une sacristie et d’ajouter un bas-côté à la partie nord de l’édifice. M. l’abbé Rousseau, enfant de la paroisse, prit à sa charge cette dépense. En novembre 1852, fut bénite la cloche fondue par M. Voruz, « Anne-Marie », qui eut parrain et marraine: Alexandre Lévesque et Anne Leroux, veuve Ramet. Cette cloche, la plus petite, fait encore aujourd’hui bonne figure auprès de ses trois soeurs plus jeunes de vingt cinq ans.

Un curé ne peut à lui seul exercer toutes les fonctions de sa charge, il a besoin d’aides, en particulier de chantres, de sacristain. Tout le monde sait qu’il faut des aptitudes, du talent, du tact pour l’exercice de ces fonctions aussi honorables que délicates. Un jeune homme de la paroisse, Julien Thébaud, venait de se fixer à Fay en qualité de cordonnier. Désirant l’avoir pour sacristain, le curé de Grâce, sous prétexte de visiter son confrère, s’enquit de son paroissien, lui fit chanter un cantique, d’aucuns disent une chanson. Il fut jugé capable et devint chantre et sacristain.

Le choix était heureux. La renommée du chantre de Grâce dépassa les limites de la paroisse et plus d’un, dit-on, en aurait désiré de la graine, que nous conservons sans dégénérescence depuis cinquante ans.

Les soins du matériel n’absorbaient pas toutes les sollicitudes du pasteur. Au mois d’octobre 1845, une ordonnance épiscopale érigeait dans la paroisse le Mois d’Adoration et autorisait l’exposition et la bénédiction de la Vraie Croix. L’année suivante, le jour de la fête patronale, le 21 novembre, une autre ordonnance instituait la Confrérie du Rosaire. En janvier 1847, étaient concédée l’indulgence des quarante- Heures; Ces deux dévotions du Saint-Sacrement et du Rosaire, nées avec la paroisse, y sont restées chères et profondément enracinées comme tout ce qui touche à notre berceau. N’est-ce pas à la piété filiale de notre premier curé que nous devons le culte des « Enfants Nantais » ? Aucune tradition ne nous en indique l’origine et leurs deux statues ornent notre autel principal depuis son érection; On les regarde avec St Jean-Baptiste (et non St-Jean l’Evangéliste), qui lui fut substitué, comme patrons secondaires de la paroisse.

Des difficultés diverses et particulièrement le défaut de ressources, le décidèrent à demander un autre poste. En 1848, il fut transféré à la cure de Trescalay (Trescalan), où il fonda une nouvelle paroisse. Deux lettres conservées dans les registres de cette dernière paroisse laissent deviner ses ennuis et l’attachement profond qu’il avait pour Grâce. Il aurait voulu en particulier sur les communs qui encadraient la route de la partie de la Houssaie, un boulevard qui aurait donné grand air au bourg naissant. Il mourut retiré à Nantes. Héry, qui lui succéda, devait la diriger pendant trente cinq ans en fut le véritable fondateur. Son esprit moins brillant que pratique s’adaptait admirablement à l’esprit de la population ? Homme de foi, bon, détaché de toute pensée d’intérêt, il ne poursuivit qu’un but; fonder une paroisse chrétienne et la doter des choses nécessaires au culte.

Il est intéressant de voir par les reçus existant encore, comment à force d’industrie et d’économie, vu la médiocrité du budget qui n’atteignait pas mille francs, on arriva à payer par acomptes, les vases sacrés, la bannière, le dais, le Chemin de Croix, les ornements, etc. Les paroissiens en général peu fortunés furent admirables de générosité. Ils prirent à leur charge l’entretien du vicaire et du sacristain; à l’occasion des mariages plusieurs se faisaient le devoir d’offrir un cadeau à l’église. Détail piquant: jusqu’en 1849, les marguilliers entrants en charge donnaient à la cure un repas splendide auquel prenait les membres du conseil et les marguilliers sortants.

Au premier de l’An 1847, le curé établi la coutume de donner lui-même le  repas, à condition que les marguilliers firent à l’église un cadeau qui en vaudrait la peine. C’est ainsi que Joseph Gendron, Jacques Etourmy, réconcilié avec Grâce, et Julien Levesque, en 1852, donnèrent les fonds baptismaux. Dans le cours des années le repas a été maintenu, mais… le cadeau est resté en route. Les vieilles coutumes sont pourtant bonnes à garder.

On sut intéresser à la nouvelle et pauvre paroisse des bienfaiteurs étrangers. On cite notamment: M. et Mme Fondain, de Blain; M. Gicquiaud de Nantes; Melle Ménager de Plessé. Mme Leroux, de Pornic; Anne Agasse , de Quinhu et bien d’autres dont N.D. de Grâce a béni la charité et dont les noms sont inscrits au livre d’or des éternelles récompenses. Nous verrons si Dieu le permet, comment le zèle et la charité des paroissiens, firent des oeuvres plus belles encore  sans ressources préalables dans la construction et l’ameublement complet de l’église que M. Héry allait bientôt entreprendre.

Le curé de Guenrouët d’alors, l’abbé Rousseau, à qui l’on arrachait ainsi une large part de son troupeau, en poussa des gémissements amers qu’il consigna dans son registre paroissial. Mais le bien des âmes réclamait cette séparation.

Il réussit toutefois à conserver les villages du Bignon et de la Burdais qui, parait-il, devaient être rattachés à Grâce.


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